Quantcast
Channel: La promesse oubliée – Lui Président
Viewing all articles
Browse latest Browse all 20

Paradis fiscaux : le bilan contrasté de François Hollande

$
0
0
François Hollande au Bourget, le 22 janvier 2012. (Reuters)

François Hollande au Bourget, le 22 janvier 2012. (Reuters)

« J'interdirai aux banques françaises d'exercer dans les paradis fiscaux. » La promesse de François Hollande figurait au septième de ses 60 engagements pour la France. Les "Panama papers" viennent rappeler au président son serment. Le consortium de 110 médias internationaux (dont Le Monde) a révélé mardi 5 avril que la Société Générale avait immatriculé pas moins de 979 sociétés offshores grâce au cabinet Mossack Fonsena, au coeur de l'enquête. Le chef de l'Etat a annoncé le 5 avril des enquêtes fiscales et judiciaires contre les entreprises et ressortissants concernés par ce « leak » gigantissime… Mais le président a-t-il seulement tenu toutes ses promesses sur les paradis fiscaux ?

1. Interdire aux banques d'exercer dans les paradis fiscaux Promesse brisée de François Hollande

Le candidat Hollande promettait pendant sa campagne d'« interdire aux banques d'exercer dans les paradis fiscaux ». Une promesse complètement oubliée par le président Hollande qui, en plein scandale Cahuzac, a promis  de lutter contre les paradis fiscaux en obligeant les banques à « rendre publiques toutes leurs filiales partout dans le monde, pays par pays », de façon à ce qu'il ne soit plus « possible pour une banque de dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal ».

Exit, donc, l'interdiction, au profit du devoir de transparence. C'est cette logique qui est reprise dans la réforme bancaire préparée par le ministre de l'économie Pierre Moscovici et adoptée le 18 juillet 2013, qui prévoit deux mesures de transparence :

  • Les banques sont désormais contraintes de publier dans leurs comptes annuels « des informations sur leurs implantations et leurs activités dans les Etats ou territoires non coopératifs », c'est à dire de la liste noire française des paradis fiscaux (une liste très restreinte de 10 pays en 2013, 8 en 2014 et 6 en 2015).
  • Les banques sont aussi contraintes de publier une fois par an des informations sur leurs implantations dans l'ensemble des pays du monde, sous certaines conditions.

Le scandale des "Panama papers" met aujourd'hui au jour l'insuffisance de ce dispositif de transparence, en pointant notamment du doigt les activités de la Société générale dans les paradis fiscaux :

  1. Tout d'abord parce que la définition officielle des paradis fiscaux en France est très restreinte (la liste noire ne comptait que 6 membres en 2015). Il est donc relativement facile pour les banques de se prévaloir de ne pas y avoir d'implantations. Le gouvernement avait tenté d'élargir en 2013 cette liste à « tous les territoires avec lesquels la France n'a[vait] pas signé une convention d'assistance en matière de documents fiscaux » – une mesure censurée dans la foulée par le Conseil constitutionnel, car le gouvernement avait tardé à signer de telles conventions, ce qui risquait de mettre des dizaines de pays dans la liste noire.
  2. Ensuite, parce que certaines banques peuvent continuer leurs activités dans les paradis fiscaux même après y avoir fermé leurs implantations. La Société générale, par exemple, a maintenu des « relations commerciales » importantes avec Mossack Fonseca, la firme de domiciliation panaméenne qui lui a permis d'ouvrir un millier de sociétés offshore pour ses clients, principalement aux îles Vierges britanniques et aux Seychelles.

Contrairement à ce qu'avait annoncé François Hollande, il est donc toujours « possible pour une banque de dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal ».

2. Renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale Promesse tenue de François Hollande

C'est l'affaire Cahuzac qui a donné du contenu à la promesse très vague du candidat socialiste contre la fraude fiscale.

Quelques semaines à peine après la démission du ministre du budget, le président Hollande a renforcé les effectifs de lutte contre les fraudes fiscales et les réseaux de blanchiment et mis sur les rails un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Adopté en novembre 2013, ce texte a modifié plusieurs aspects de la législation anti-fraude fiscale, notamment :

  • Instauration d'une circonstance aggravante pour les fraudes les plus graves (fraude fiscale en bande organisée, comptes bancaires ou entités détenues à l'étranger), avec des peines allongées à 7 ans de prison et 2 millions d'euros d'amende.
  • Techniques d'enquête « spéciales » pour les fraudes les plus graves, telles que la surveillance ou l'infiltration.
  • Alignement des peines prévues pour les personnes morales à celles applicables aux personnes physiques (ex : confiscation complète du patrimoine).
  • Renforcement des capacités de contrôle de l'administration fiscale (recours à des preuves « illicites », saisie des avoirs) et l'ouverture aux associations de lutte contre la corruption la faculté d'exercer les droits de la partie civile.
  • Allongement du délai de prescription en matière de fraude fiscale (de 3 à 6 ans).
  • Protection accrue des « lanceurs d'alerte » et création d'un statut de « repenti ».

Cette réforme a surtout mis sur pied à partir de février 2014 un parquet national financier (PNF) Promesse tenue de François Hollande, qui a pris en charge des centaines de dossiers de « grande délinquance économique et financière ».

3. Prôner l'échange automatique de données Promesse en cours de réalisation de François Hollande

François Hollande avait également promis en avril 2013 de prôner l'échange automatique de données entre administrations fiscales de plusieurs pays – une mesure technique, mais cruciale pour lever l'opacité sur les propriétaires de comptes et structures offshore et faciliter la lutte contre la fraude fiscale.

Dix-huit mois plus tard, en octobre 2014, 49 pays (grandes puissances, dont la France, et petits paradis fiscaux) ont officiellement signé un accord de passage à l'échange automatique de données fiscales sur les contribuables du monde entier (possession d'un compte bancaire à l'étranger, perception de revenus ou d'intérêts, achat de parts de sociétés, etc.), applicable dès 2017. A l'automne 2015, la liste de pays engagés vers ce nouveau« standard » mondial comptait 96 noms… dont le Panama.

Le passage des engagements aux détails pratiques sera crucial pour chacun des paradis fiscaux aujourd'hui dans le viseur des régulateurs. Et la montée de tension entre le Panama et la France après l'annonce de la réintégration du premier sur la « liste noire » de la deuxième pourrait être à double tranchant : provoquer un blocage ou contraindre à des progrès dans la transparence.

Youness Rhounna et Maxime Vaudano

















Viewing all articles
Browse latest Browse all 20

Trending Articles