Dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 avril, les députés ont adopté (à quatre voix contre trois), un amendement supprimant la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, dite Hadopi. Un amendement auquel s'est opposé le gouvernement… alors que François Hollande s'était engagé en 2012 à supprimer la loi Hadopi et l'autorité éponyme chargée de mettre en oeuvre la « réponse graduée » au téléchargement illégal. Il s'agit d'avertir le contrevenant avant qu'il soit effectivement sanctionné.
Le flou n'est guère étonnant, au regard des tergiversations de François Hollande avant et après son élection à ce sujet. Il n'était pas forcément évident, pour un candidat socialiste, de rassurer à la fois le monde de la culture et les internautes avides de contenus gratuit. En 2012, il avait tenté de ménager la chèvre et le chou en évoquant la mise en place d'un système qui garantisse la rémunération des droits d'auteur par d'autres biais que la répression :
« Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l'acte 2 de l'exception culturelle française, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par internet facilité et sécurisé » , écrivait-il dans ses 60 engagements.
Mais avant l'amendement surprise adopté fin avril par l'Assemblée, le gouvernement ne semblait pas pressé de mettre en œuvre cette promesse.
La Hadopi conservée
Tout a commencé avec un rapport remis à l'Elysée le 13 mai 2013 par Pierre Lescure, l'ancien patron de Canal +, qui proposait de supprimer la Hadopi… tout en réaffirmant la légitimité de la « réponse graduée », en suggérant d'en confier l'application au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Une proposition reprise à son compte par la ministre de la culture Aurélie Filippetti (alors qu'elle s'était vigoureusement opposée à la riposte graduée comme députée de l'opposition en 2009)... puis sérieusement remise en cause par sa successeure Fleur Pellerin, qui s'était montrée toujours montrée beaucoup plus intransigeante sur le respect du droit d'auteur : « Pour changer le statut de la Haute autorité, qui surveille et réprime le téléchargement illégal, il faudrait passer par la loi… Pour moi, cette question institutionnelle ne préoccupe plus grand monde aujourd'hui », expliquait Mme Pellerin à l'automne 2014.
Une " revanche " de Fleur Pellerin sur Aurélie Filippetti qui s'est confirmée avec l'absence de toute référence à Hadopi dans la loi sur la création, puis avec le renforcement du budget de la Haute autorité en 2016.
Le vote par l'Assemblée de l'amendement écologiste supprimant l'institution, fin avril, semble avant tout un accident de parcours pour l'exécutif, qui n'avait plus vraiment l'intention de mettre en œuvre cette promesse de François Hollande. Dans ces conditions, rien ne garantit que l'amendement survivra au Sénat et aux lenteurs du calendrier parlementaire.
Une évolution semble toutefois aller dans le sens de la promesse de François Hollande : la suppression en juillet 2013 de la coupure d'Internet pour les récidivistes du téléchargement illégal, qui encourent 1500 euros d'amende.
Pas de licence globale ni de taxe Google
Le volet Hadopi du programme présidentiel de François Hollande ne s'arrêtait pas au sort de l'institution. Il s'agissait aussi de proposer un système viable pour la rémunération des droits d'auteur, en élargissant le financement de la création et en développant l'offre légale.
« Mon objectif est clair : trouver de nouvelles ressources pour assurer la pérennité du financement, non seulement des créateurs, mais des industries culturelles dans leur ensemble », avait indiqué François Hollande dans une lettre adressée à la SACD pendant la campagne. Parmi les pistes évoquées à l'époque : une sorte de « licence globale », permettant à l'internaute d'acheter un accès illimité aux œuvres.
Le rapport Lescure a enterré cette idée, arguant qu'« elle se heurte à un trop grand nombre d'obstacles, juridiques, économiques et pratiques ».
Même sort pour la « taxe Google », également évoquée pendant la campagne, qui aurait porté sur « sur tous les acteurs de l'économie numérique qui profitent de la circulation numérique des œuvres ». Le gouvernement n'a pas suivi la piste de taxe sur les appareils connectés suggérée par Pierre Lescure.
Pour renforcer l'offre légale, François Hollande avait notamment parlé de fonds d'aide aux plateformes légales de téléchargement – mais aucune référence n'y est faite dans le projet de loi sur la création, qui doit être définitivement adopté fin mai.