Deux ans et demi après son passage à Florange comme candidat à la présidentielle, François Hollande revient lundi 24 novembre sur place. Lui Président fait le point sur la réalisation de ses promesses.
La « loi Florange »
Quand les ouvriers des hauts fourneaux produisaient encore de l'acier à Florange, François Hollande égrenait les promesses sur l'avenir du site. La première de toutes, le président l'a prononcée le 24 février 2012 en tant que candidat, devant les ouvriers d'Arcelor Mittal. Juché sur le toit d'un camion et entouré de syndicalistes, il annonçait une proposition de loi visant à empêcher les entreprises de fermer un site quand des repreneurs existent. « Quand une grande firme ne veut plus d'une unité de production et ne veut pas non plus la céder, nous en ferions obligation pour que les repreneurs viennent et puissent donner une activité supplémentaire. » Trois jours plus tard, la proposition de loi du député de Corrèze était barrée par le gouvernement Fillon.
Il faudra près d'un an pour que le projet retrouve le chemin du Parlement après l'élection de François Hollande. Le 1er mai 2013, la loi visant « à reconquérir l'économie réelle » déposée au Parlement par Arnaud Montebourg diffère sensiblement de la promesse de campagne : d'une part, elle ne concerne que les groupes de plus de 1 000 salairés ; mais surtout, elle renonce à l'obligation, pour une entreprise, de céder un site rentable au lieu de le fermer.
Le responsable de l'entreprise qui voudra se séparer d'un site aura alors seulement « une obligation d'en informer les salariés, d'en informer le comité d'entreprise », avant de devoir « chercher un repreneur » pendant trois mois. A l'issue de ce délai, un rapport devra être présenté et accepté par le comité d'entreprise et les salariés. Dans le cas contraire, il pourra être contesté par les salariés devant le tribunal de commerce, qui sera en mesure d'imposer des sanctions aux entreprises fautives :
-
Une amende allant jusqu'à 20 fois la valeur mensuelle du smic par emploi supprimé – soit 28 600 euros – dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires de la société ;
-
Un remboursement des aides publiques perçues au cours des deux années précédentes.
Déjà affaibli, le projet est vidé d'une partie de sa substance le 27 mars 2014 par le Conseil constitutionnel, qui censure la pénalité financière en cas de non-respect de l'obligation de recherche d'un repreneur, la jugeant « contraire à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété ». Quelques mois plus tard, les députés socialistes tentent sans succès de la réintégrer dans la loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS), adoptée en juillet.
Néanmoins, ils complètent la loi Florange en permettant à l'Etat de s'opposer à un plan social si les obligations de reprise n'ont pas été remplies. En outre, la loi ESS impose depuis le 1er novembre 2014 à toutes les PME de moins de 250 salariés d'informer leurs employés au plus tard deux mois avant la cession, pour leur permettre de monter des projets de reprise.
La "loi Florange" a connu sa première application en novembre 2014, avec la reprise en Haute-Vienne de l'entreprise de pâtisserie industrielle Panavi par l'entreprise Gelpat.
Les promesses de Mittal
Entre temps, les hauts fourneaux de Florange ont été définitivement mis à l'arrêt, le 24 avril 2013. Des ouvriers syndicalistes ont édifié ce jour-là une stèle où « reposent les promesses de changement de F. Hollande » pour dénoncer sa « trahison ». Pourtant, tous ses engagements ne sont pas enterrés.
En décembre 2012, François Hollande s'est porté garant de l'accord passé entre le gouvernement et Arcelor Mittal à propos de l'avenir du site de Florange .
Un plan d'investissements de 180 millions d'euros sur 5 ans avait été annoncé pour consolider et renforcer la position de l'aval de Florange en tant que fournisseur d'acier à haute valeur ajoutée. Le 24 octobre 2014, le comité de suivi de l'accord a annoncé que 80 % de l'enveloppe promise par l'entreprise avait été engagée. Pour François Marzorati, président du comité de suivi de l'accord, c'est la preuve que « Florange existe encore, contrairement à ceux qui pensent que ce n'est plus qu'un désert ».
Avec le gouvernement, le groupe Arcelor Mittal s'était aussi engagé à ce qu'il n'y ait pas de plan social – seulement un accord négocié avec les syndicats "sur la base du volontariat". Une promesse tenue puisque, selon Le Figaro, sur les 629 personnes qui travaillaient autour des hauts fourneaux :
-
266 sont parties en retraite
-
351 ont été mutées, dont 324 à Florange
-
12 salariés sont encore en formation
Par ailleurs, mardi 18 novembre, Arcelor Mittal a annoncé trente recrutements en CDI sur le site. 17 de ces postes seraient à pourvoir dès décembre. Mais, selon FO – qui boycottera, comme la CGT, le déplacement du président de la République –, 130 départs sont prévus en 2015.
Lakshmi Mittal s'était aussi engagé à maintenir les hauts-fourneaux de Florange « en l'état » en attendant la concrétisation du projet européen Ulcos, consistant à produire de l'acier « vert » peu émetteur de CO2. Arcelor Mittal a d'abord retiré sa candidature de l'appel à projets de la Commission européenne censé co-financer Ulcos, expliquant que la faiblesse des cours du CO2 empêchait la viabilité économique de son captage et de son stockage. Il a annoncé en avril 2013 un « projet Ulcos 2 », baptisé « Low Impact Steel » (LIS), qui se basera sur un modèle économique indépendant d'un prix de marché du gaz carbonique.
En décembre 2012, le premier ministre Jean-Marc Ayrault promettait aussi à la région Lorraine un plan de redynamisation en accord avec le conseil régional. Précisé en septembre 2013, ce plan a été doté de 300 millions d'euros sur 3 ans.
La création d'une plate-forme de recherche sur la sidérurgie et la métallurgie annoncée par François Hollande en septembre 2013 se concrétise aussi. En septembre 2014 a été constitué le « MétaFensch », un groupement d'intérêt public (GIP) regroupant l'Etat, les collectivités et les acteurs de la recherche. Selon Le Républicain Lorrain, le bâtiment sera construit à Uckange, sur le site de l'ancien haut-fourneau U4, grâce à un financement de 2,2 millions d'euros partagé entre l'Etat et les collectivités locales lorraines. Le président inaugurera lundi 24 novembre ce futur Institut de métallurgie du Val de Fensch, toujours en construction. Un budget de 20 à 50 millions d'euros sur quatre ans devrait ensuite être alloué à la plate-forme, en fonction des projets qui y seront menés.
Assurément, la promesse la mieux tenue pour le moment par François Hollande au sujet de Florange, est d'y revenir chaque année. Le président s'y est engagé lors de sa deuxième visite, en septembre 2013. Il a tout intérêt à ne pas perdre le contact quand, à quelques kilomètres à Hayange, un ancien syndicaliste a été élu maire sous les couleurs du FN en mars dernier. Fabien Engelmann est même devenu conseiller politique de Marine Le Pen, au dialogue social.